Matsue Gakuen
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.



 
AccueilDernières imagesRechercherS'enregistrerConnexion
Le Deal du moment : -21%
LEGO® Icons 10329 Les Plantes Miniatures, ...
Voir le deal
39.59 €

 

 Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé]

Aller en bas 
2 participants
AuteurMessage
Fred Wentworth
Admin
Fred Wentworth


Messages : 100
Date d'inscription : 23/07/2013

Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé] Empty
MessageSujet: Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé]   Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé] EmptyVen 9 Aoû - 6:27

Elle avait accepté. La blonde en blouse blanche de l’hôpital m'avait dit de l'attendre au bar d'en face, et j'avais attendu. Je n'étais pas repassé au journal. J'avais flané un peu dans le quartier, parlant avec le caissier de la boutique où avait eu lieu l'agression. Il était encore sous le choc et s'était longuement fait interroger par les flicards. Me voir prendre le relais n'était pas facile pour lui, mais j'avançais les mêmes arguments que pour la blonde. Il fallait bien que quelqu'un parle du sort de cette pauvre grand-mère, traitée comme du gibier.

Mais je n'avais pas récolté grand-chose. Attablé dans un coin de la salle du bar, où je m'étais mis pour attendre la jeune femme et ainsi pouvoir parler plus facilement que si nous nous étions installés au comptoir, je relisais mes notes suite à l'entretien avec le caissier. D'après ses souvenirs, ils étaient deux, peut-être trois. Il n'en était plus très sûr. L'un d'eaux avait saisi la grand-mère par derrière en lui tenant les bras, l'autre lui avait arraché la chaine qu'elle portait autour du cou, et en s'enfuyant, celui qui la tenait lui avait arraché son sac. La vieille dame est alors tombée sur le sol en tentant de s'accrocher à son bien. Était-ce là qu'elle s'était cognée le front ? Ou bien y en avait-il un troisième pour la molester, comme si le vol sauvage dont elle avait été victime ne suffisait pas ? Pour lui faire lâcher son sac peut-être.

Je n'avais que mes suppositions pour moi concernant les détails de cette histoire. D'après le caissier, les hommes n'étaient pas cagoulés. Il avait donné une description plutôt vague à la police judiciaire, et m'avait dit ne plus se souvenir de rien lorsque ce fut mon tour de l'interroger. Était-ce vrai ou craignait-il des représailles ?

23h07. La blonde n'allait plus tarder. A moins qu'elle ne me fasse faux bond et me pose un lapin. Je sirotais la fin de ma bière, puis regardais au dehors dans l'espoir de la voir arriver. Je continuais à réfléchir à cette agression, tapotant de mon crayon sur mon calepin, et me demandant comment j'allais m'y prendre pour soutirer des infos sur l'état de santé de l'agressée auprès de la blonde. Je me demandais même si ça servait à quelque chose, car il était très possible qu'elle n'ai pas recroisé la vieille dame depuis qu'elle l'avait laissée entre les mains des ambulanciers. Quoi qu'il en soit, j'avais le sentiment que quelque chose d'autre me poussait à attendre cette femme. Peut-être pour justifier ma cause de journaliste, peut-être pour me persuader que le corps médical était tel que je me l'imaginais, froid, sans sentiments, et faisant passer le buisness des hôpitaux avant la santé de leurs patients. Le Japon était spécialiste en la matière et les hôpitaux du pays étaient tous, tous, absolument tous corrompus. Comment le vivait-elle, elle qui ne semblait pas plus japonaise que moi ?

Une autre idée d'article germait dans mon esprit. Cette foutue corruption dans les hôpitaux du pays justement. Comment le prendrait cette nana que j'attendais si je rédigeais un tel article après notre entretien ? 23h16. Je commençais à avoir des doutes sur notre entrevue. Après tout, elle ne me devait rien, et m'avait clairement marqué son dégoût à l'égard de ma profession.

23h48. Certes, elle n'était pas fonctionnaire, mais je me demandais si elle n'était pas tout simplement rentré chez elle, et que j'étais un pauvre naze trop crédule qui venait de se faire planter en beauté...
Revenir en haut Aller en bas
Jeanne Dubreuil
Admin
Jeanne Dubreuil


Messages : 52
Date d'inscription : 22/07/2013
Age : 43
Profession : Médecin urgentiste

Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé] Empty
MessageSujet: Re: Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé]   Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé] EmptyDim 11 Aoû - 17:15

Ma journée se termine enfin. Il est près de 23H30 quand je prends enfin la direction des vestiaires. Je peux enfin poser ma belle blouse blanche. Et je peux vous dire que mis à part cette blouse, je ne porte jamais rien de blanc. Sinon, ça me donne l'impression d'être au boulot. Un jean et un t-shirt noir. Le tout sans aucunes fioritures. Pourquoi ? Je déteste plus que tout faire du shopping. Les filles qui s'excitent pour un article en solde ou pour "un juper trooop belle", ça me file des boutons. Moi, quand je dois acheter des vêtements, ça dure en général dix minutes. Ou un petit quart d'heure. Mais jamais plus. Pas le temps ni l'envie.

Je sors enfin des vestiaires, essayant de décrocher du boulot en traversant l'hôpital. Mais c'est peine perdue. Certains cas attirent mon attention tandis que je traverse les urgences et je dois me faire violence pour ne pas remettre ma tenue de parfait petit docteur. Je suis crevée en fait. Je n'ai qu'une envie, prendre une douche et m'affaler dans mon canapé avec un verre... Un verre... Merde ! Le journaliste ! Je m'arrête juste après avoir franchis les portes de l'hosto. On avait rendez-vous à quelle heure déjà ? Quelle conne.

Prenant mes jambes à mon coup, je file rejoindre le bar. Dieu merci, ce n'est pas bien loin. C'est pas tant l'idée de poser un lapin à cet homme qui me gêne, simplement celle d'être en retard. Je déteste être en retard. Être en avance d'une heure, ça me gêne pas. Mais ne serais-ce qu'une minute de retard... Ça me perturbe.

Légèrement essoufflée, je franchis les portes du bar. Échevelée je dirais même. Ne me souvenant pas du rendez vous en question, je n'ai pas pris le temps de me coiffer ou même de m'arranger en sortant du boulot. Bah... Je pense qu'après un verre ou deux, ça ne me dérangera plus. Je scrute la salle un moment mais ne distingue pas le rouquin. Peut être étais-ce une farce ? Cet abruti s'est peut être dis : "Tiens, et si je me payais la tête d'une connasse de doc, d'une demoiselle je sais tout et castratrice ?". 

Un coup d’œil sur ma montre m'annonce minuit. J'crois que Cendrillon s'est tirée. Ah non ! En relevant la tête, je l'aperçois. Soulagée (un peu), je m'avance vers la table tranquillement. Finalement, je m'assoies (m'avachis) sur le siège. Avec un sourire, j'ai la correction de dire :

 - Excusez-moi pour le retard. Mais un médecin qui termine à l'heure, c'est rare. Ou du moins, je n'en connais pas.

Je pose mes affaires et hèle un serveur. Puis, finalement, ma colère de ce matin étant passée, je tends la main à l'homme :

 - On ne s'est pas présentés je crois. Jeanne Dubreuil. Enchantée. 
Revenir en haut Aller en bas
Fred Wentworth
Admin
Fred Wentworth


Messages : 100
Date d'inscription : 23/07/2013

Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé] Empty
MessageSujet: Re: Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé]   Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé] EmptyMar 13 Aoû - 15:17

Je patiente, je patiente, mais je me dis en mon âme et conscience que ça ne sert à rien. Je me dis même *Bon allez, j'attends minuit et je me casse.* Mais je continue de siroter ma bière à la vitesse d'un escargot, regardant l'heure toutes les cinq minutes, me massant le visage pour lutter contre la fatigue, car je me suis levé de bonne heure et j'ai pas mal crapahuté dans la ville aujourd'hui. Je me distrais tant bien que mal avec les conneries de clips pour ados qui passent sur les écrans plasma de ce petit rad à la mode. J'ai l'impression de voir dix fois le même. Des filles en bikinis qui se trémoussent autour d'un gars qui doit plus souvent fréquenter les salles de muscu que les librairies. Le tout sur une plage sous le soleil brulant. Ah non tiens. Un clip sur trois, je vois des filles en robe du soir se trémousser autour d'un pseudo gangster sur fond de boite de nuit. Et merde ! Où est passé le rock, et surtout, la créativité ?

Minuit passé d'une ou deux minutes à peine. J'ai même pas envie de lever mon cul pour me décider à rentrer chez moi, même si c'est surement le mieux que j'ai à faire. J'ai finit ma bière et je retarde le moment du départ, bien que je sache très bien que mon rendez-vous est tombé à l'eau. Et pourtant...

Tandis que j'écarte le pan de mon blouson pour piocher dans ma poche intérieure, la coïncidence veut que je pose mes yeux sur la personne qui pousse la porte juste au moment où j'allais sortir un billet pour payer ma bibine. J'en crois pas mes yeux. C'est la blonde ! Je rabat mon blouson et je me demande si je dois lui faire signe pour qu'elle me voit, mais justement, nos regards se croisent. Elle s'avance jusqu'à moi et se laisse tomber sur la chaise qui me fait face. Elle a l'air exténuée, mais il me semble que même si sa fatigue physique est palpable, c'est sa fatigue morale qui me parait la plus évidente. Je me doute alors que les journées d'un médecin urgentiste doivent dépasser l'imagination. On sait tous que ce n'est pas un boulot facile, mais jusqu'à quel point ? Je la laisse s'installer, et sa politesse me touche. Arrogante et méprisante comme elle m'est apparue tout à l'heure, je n'aurais pas imaginé qu'elle s'excuse pour son retard. Je lui répond qu'il n'y a aucun problème, et ne mentionne pas le fait que j'étais sur le point de me tirer. Elle se présente en me tendant la main et je fais de même en lui tendant la mienne.

"Fred Wentworth, de même."

Je lui sourit, détendu que je suis par son arrivée inespérée. Et in extremis. Maintenant c'est à moi de jouer, je le sais. Mais par quel bout commencer ? Le serveur qu'elle a appelé d'un geste se pointe. Je la laisse commander puis j'en profite pour réclamer une seconde bière.

"Dure journée ? Merci d'être venue au rendez-vous en tout cas."


Je lance comme je peux la conversation. Assise ainsi devant moi, elle a quelque chose de plus ... comment dire ? De plus humain ? Elle me semble moins intimidante qu'avec sa blouse lorsqu'elle me toisait sur le trottoir, et pourtant, c'est maintenant que je me demande comment l'aborder. Jamais une femme ne m'avait semblé si froide et si fermée. J'avoue que ça me perturbe. Pour ne pas montrer que je crains de patauger à mort, je commence à taper mes paumes sur la table au rythme de cette musique merdique que je me mange depuis plus d'une heure. Mais je sens que ça l’énerve, alors je cesse rapidement. Je ne vais pas sortir mon calepin, elle pourrait mal le prendre. Bon allez Fred, lances-toi !

"Vous avez pu avoir des nouvelles de la dame ?"

Nos consommations arrivent rapidement. Je lève mon verre vers elle, pas très haut et rapidement.

"Cheers !*"

*:
Revenir en haut Aller en bas
Jeanne Dubreuil
Admin
Jeanne Dubreuil


Messages : 52
Date d'inscription : 22/07/2013
Age : 43
Profession : Médecin urgentiste

Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé] Empty
MessageSujet: Re: Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé]   Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé] EmptyMer 14 Aoû - 16:09

"Fred Wentworth, de même."

Tiens, un sourire aussi de sa part. A croire que notre première rencontre de cet après midi n'était qu'une mauvaise étape. Il faut dire qu'à ce moment là, nous nous gênions un peu mutuellement je crois. Je commande un whisky, un double. J'en ai sacrément besoin. A cet instant précis, j'ai toute les peines du monde à me détendre. Je sens mes muscles tendus au possible. Par la fin de mon service. D'envisager ma journée de demain. Et même d'envisager ce que va vouloir savoir Fred. Je me doute déjà. Il n'y a qu'à attendre sagement qu'il me bombarde de questions au sujet de la vieille dame. Comme ça, il pourra écrire son fichu papier.

"Dure journée ? Merci d'être venue au rendez-vous en tout cas."

 - Quand je dis quelque chose, je le fais. Même si effectivement, la journée a été dure. Mais la question c'est, quelles journées ne le sont pas ?

Totalement vrai. Que ce soit ce soir ou autre, ça ne change pas vraiment. Je suis dans un état de fatigue permanent dans tout les cas. Que ce soit physique ou moral, mon boulot sape tout ce qui me constitue. Mais je crois que c'est une bonne chose. Certains soirs, je suis tellement crevée que j'en oublie de penser. Et c'est un peu le but recherché. Eviter ces soirs où ma caboche gamberge à fond.

Je le regarde taper la table et lève un sourcil. Le genre de truc qui m'énerve au possible. Un peu comme lors d'un examen, un étudiant joue avec son stylo. Ça donne envie de lui enfoncer dans l’œil. Là, en l’occurrence, ça me donne envie de lui briser les doigts. Bah... Qu'importe, je n'en ai pas la force de toute façon. Puis, de toute façon, il finit pas s'arrêter, comprenant que le geste m'agace.

"Vous avez pu avoir des nouvelles de la dame ?"

Tiens ? Il a attendu tant que ça ? Je reste silencieuse un moment. Dans un sens, je comprends son point de vue. Le fait d'écrire un article au sujet de l’agression de cette vieille dame invitera peut être les citoyens à faire plus attention. Ou le cas échéant, si la situation se reproduit, à accomplir les bons gestes. 

Le serveur pose nos verres. J'attrape le mien à vitesse grand V et le porte vers ma bouche tandis que Fred lève le sien. 

"Cheers !*" 

Avec un sourire, j'incline la tête et mon verre.

 - A l'entente entre journalistes et médecins.

Puis le porte à ma bouche. Nom de Dieu. Si je peux croire à l'existence d'un Dieu, c'est bel et bien en picolant. Cette sensation... Le premier verre est toujours le meilleur. Il réchauffe et met de bonne humeur. Je ne crois pas que quoi que ce soit d'autre puisse faire cet effet là. Je sirote donc avec lenteur le liquide ambré puis pose mon verre.

 - La dame va bien malgré les circonstances. J'ai pu avoir des nouvelles par un confrère. Elle va avoir besoin de beaucoup de repos. A priori, le pronostic vital n'est pas engagé cependant, étant faible du cœur... Eh bien... Je suppose que comme une majeure partie de personne âgée, elle va mettre plus de temps encore à guérir. Quant à l'ecchymose... Il semblerait qu'elle ai été frappé par son agresseur. Je suppose qu'elle n'a pas voulu céder ses bien aussi facilement que cet enfoiré l'aurait voulu. 

D'un geste, j'attrape mon verre et le vide. Un coup d’œil au serveur pour que le deuxième suive. Cette dame a voulu défendre ses bijoux avec acharnement à priori. En vain. Le regard nettement moins enjoué à présent, je lève les yeux et regarde Fred.

 - Que voulez-vous savoir d'autre ?

Je suis tentée de dire que je n'ai plus de force à cet instant précis et qu'il peut bien me demander ce qu'il veut. Mais non. Je ne vais pas en plus lui faciliter la tâche.
Revenir en haut Aller en bas
Fred Wentworth
Admin
Fred Wentworth


Messages : 100
Date d'inscription : 23/07/2013

Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé] Empty
MessageSujet: Re: Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé]   Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé] EmptyLun 19 Aoû - 6:30

Comme je le craignais, la marque violette sur le front de l'agressée est due à un coup porté et non à une chute. Ça me fout en rogne comme pas possible. À ce moment là, j'en veux à la Terre entière de ne pas tourner rond. Je me demande toujours comment c'est possible que certains aient des valeurs et d'autres non, que certains les appliquent, d'autres non, et que nos soi-disant semblables soient en fait si différents à travers leurs actions.

- Que voulez-vous savoir d'autre ?

"Ma mère m'a dit une fois qu'on ne devait jamais s'en prendre à plus faible que soit. Cette simple phrase a tellement résonné en moi qu'elle n'a jamais eu besoin de me la répéter."

Je ne sais pas pourquoi je lui raconte ça alors que j'ai parfaitement entendu sa question. Sans doute suis-je juste révolté par tout ça, moi qui m'efforce toujours de ne nuire à personne et de donner un coup de main quand j'en ai l'occasion. Sans doute aussi que je n'ai vraiment pas aimé que cette femme médecin me foute dans le sac des fouille-merde sans scrupules et que j'ai à cœur de lui prouver que j'ai des principes. J'en sais rien. Pour l'heure je ne dit rien de plus et je l'observe, songeur, boire son double whisky comme si c'était du lait fraise. J'imagine alors toutes les horreurs qu'elle doit voir au quotidien dans son foutu métier. Je me demande ce qui l'a amené à faire ce boulot, et pourquoi ici, dans ce pays, elle qui n'a pas les traits asiatiques. Est-elle née là ? Est-elle venue là par amour du pays ? Par amour tout court ? Je me pose beaucoup de questions sur elle et je me dis qu'elle pourrait être l'héroïne d'un roman. J'ai envie d’écrire une chronique sur sa vie, de la suivre dans son métier, faire un documentaire sur le quotidien d'une femme médecin au Japon. Mais ce n'est pas vraiment ma mission actuelle. Je pourrais soumettre l'idée au boss dans quelques temps peut-être, quand je serais plus implanté dans le journal, et quand on aura sorti la première édition, histoire de voir déjà si notre feuille de choux se vend ou si je dois m’inquiéter de pointer au chômage dans quelques semaines.

"Comment vous vivez la situation des hôpitaux japonais ? Toute cette corruption, ces privilèges pour certains, le manque de soins pour d'autres ? L'augmentation du prix des examens médicaux et la baisse des couvertures sociales ?"

Je sais bien que mes questions ont l'air de n'avoir aucun lien avec l'affaire de la vieille agressée et qu'elles ont l'air d'être provocatrices, mais je ne veux pas laisser passer de détails. J'ai envie de savoir ce qu'elle pense de tout ça, de ces gens très malades qui finissent par crever dans l'indifférence juste parce qu'ils n'ont pas les moyens de se payer les soins.

"Pensez-vous que la vieille dame est soignée comme il se doit ?"

Je sais que je dois relater l'agression, mais je ne peux pas m'empêcher de me demander si la vieille dame sera bien prise en main. Je sais aussi que ça vient de ma rancœur personnelle vis-à-vis de ce qui s'est passé pour mon grand-père, bien avant que je vienne vivre au Japon. J'étais jeune et pourtant déjà, ce genre d'inégalités et d'injustices dans les hôpitaux, à l'endroit même où tout le monde devrait avoir accès aux mêmes droits, m'avaient profondément marqué.

Qui ai-je en face de moi ? Une femme médecin qui pratique ces injustices ? Quelqu’un d'humain qui doit se plier au système de ce pays ? Ou bien une révoltée, une femme vouée à sa vocation ?
Revenir en haut Aller en bas
Jeanne Dubreuil
Admin
Jeanne Dubreuil


Messages : 52
Date d'inscription : 22/07/2013
Age : 43
Profession : Médecin urgentiste

Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé] Empty
MessageSujet: Re: Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé]   Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé] EmptyLun 19 Aoû - 10:19

Le serveur arrive avec mon deuxième verre et me regarde comme si j'étais une alcoolique notoire. Eh, oh ? Deux verres, ça reste raisonnable. Attends la suite pour me jeter ce regard, sale con. L'alcool commence à embrumer mon esprit, petit à petit. J'avale une gorgée de mon verre et le repose.

"Ma mère m'a dit une fois qu'on ne devait jamais s'en prendre à plus faible que soit. Cette simple phrase a tellement résonné en moi qu'elle n'a jamais eu besoin de me la répéter."

Je regarde Fred, surprise. Je sens poindre de la colère, de la rage. Il m'arrive de me sentir comme ça, plusieurs fois par jour. Mais au final, il n'y a pas grand chose qu'on puisse faire contre la bêtise des gens. Contre l'indifférence. Les gens sont ainsi fait, ainsi éduqués. Généralement, lorsqu'un accident de la route survient, peu de gens s'arrête mais tous regardent. Pourquoi ? Parce qu'ils sont friands de morbidité. C'est pour ça que les journaux qui passent à la télévision font tant d'audience. Plus le crime est grand, plus les gens sont nombreux à regarder. Une autre gorgée. On ne peut rien faire contre cela.

"Comment vous vivez la situation des hôpitaux japonais ? Toute cette corruption, ces privilèges pour certains, le manque de soins pour d'autres ? L'augmentation du prix des examens médicaux et la baisse des couvertures sociales ?"

Ça, je dois dire que je m'y attendais. Et encore... Si nous avions été aux Etats-Unis, je crois que ça aurait été pire encore. Il m'aurait probablement traité de charognarde et m'aurait envoyé tout un tas de saloperies à la gueule. A juste titre. Le système médical français n'est certes pas le plus performant, mais en tout cas, le plus envié. Ce sont les malades qui sont privilégiés la plupart du temps et non les médecins. Mais comme toute chose, chaque système a ses imperfections.

Je cherche les réponses à ses questions dans mon cerveau embrumé, mais il continue d'enchaîner.

"Pensez-vous que la vieille dame est soignée comme il se doit ?"

Avec un soupir, je prends une autre gorgée. Histoire d'être sûre qu'il a fini. Quand je constate que c'est bel et bien le cas, je prends un grande inspiration.

 - Je suis informée du cas de la vieille dame toutes les deux heures. Même si je ne suis pas son médecin, j'aime suivre certains cas. Parfois parce qu'ils sont intéressants et parfois pour des raisons plus personnelles. Je sais qu'elle est entre de bonnes mains. Ne vous inquiétez pas pour elle. 

Ma main s'approche de la sienne, placée sur la table un peu plus loin. Pourquoi ? Qu'en sais-je ? Parce que je sens une certaine détresse dans ses paroles. Parce que j'ai l'impression d'avoir affaire au petit fils de la vieille dame et que parfois, les mots rassurants ne suffisent pas. C'est pour ça que quelques fois, certains patients s'écroulent dans mes bras en pleurant. Ils n'ont pas besoin de connaitre la personne qu'ils étreignent, ils ont juste besoin de réconfort. Cependant, ma main ne touche pas la sienne. J'ai le bon sens de l'arrêter à temps et à la place, de saisir mon verre. Après une gorgée supplémentaire, je reprends :

 - Comment croyez vous que le système médical fonctionne partout ailleurs ? La maladie est un business. C'est malheureux à dire mais c'est un fait. Prenons un exemple simple. Vous savez combien perçoit l'état pour chaque paquet de cigarettes vendu ? Et pourtant, vous savez le nombre de publicité qui sont créées chaque année pour inciter les gens à ne pas fumer ? 

Je soupire. Tout cela me révolte, probablement tout autant que lui.

 - Les médecins ont une déontologie qu'ils sont censés adopter dès qu'ils commencent à pratiquer. Soigner sans recevoir de salaire, etc... Mais ce n'est que de la poudre aux yeux. J'ai souvent vu des internes se battre pour soigner des cas plus intéressants, en délaissant d'autre. Des médecins émérites se renvoyer la balle, se délester de la responsabilité d'une mort à cause d'une erreur de diagnostic.

Je vide mon verre puis poursuis, toujours avec plus de hargne :

 - Mais j'en ai vu également soigner des gens sans salaire, des gens qui n'avaient pas de titre de séjour, risquant leur carrière, leur renommée pour un seul patient. Alors, oui, je pourrais vous dire que je fais partie de ceux là, que mon rêve dans la vie est de créer un hôpital gratuit pour tous ou même un dispensaire, afin de prévenir les maladies en amont. Mais tout ça demande du fric. Et parce que nous vivons dans une société de consommation, le système médical de chaque pays ne fait pas exception.
Revenir en haut Aller en bas
Fred Wentworth
Admin
Fred Wentworth


Messages : 100
Date d'inscription : 23/07/2013

Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé] Empty
MessageSujet: Re: Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé]   Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé] EmptyMar 20 Aoû - 21:15

Ses premières paroles me rassurent. Je me dis que la famille des patients doivent avoir de la chance lorsqu'ils tombent sur elle. Elle a beau avoir l'air froide et sèche, sur ce coup là, son ton était rassurant, chaleureux, doux, presque maternel. Je m'en suis senti touché, alors que je ne devrais pas. Je ne connais pas cette vieille dame, et je suis très loin d'être rattaché à cette histoire autrement que par l'écriture de mon article. La main qui s'est approché de la mienne ne m'a pas échappé, et je regrette presque qu'elle se soit arrêtée en cours de route. Je ne comprends pas moi-même ce qui se passe actuellement. La méfiance qu'il y avait en elle a fait place à de la bonté cordiale, tandis que la tension que je ressentais avant cet entretien s'est considérablement diminuée d'un seul coup.

Mais ça ne dure qu'un instant. Elle reprend sa prestance froide pour répondre à mes autres questions sur le système médical japonais. Et ça m’énerve de le penser, mais elle a raison. Elle argumente bien sa plaidoirie, même si je sens, au fond, que tout ça la dégoute autant que moi. Sûrement plus d'ailleurs. Je la vois boire son whisky à vitesse grand V tandis que je sirote lentement ma seconde bière. Elle m'a coupé le sifflet, en tout cas pour le moment, et je déteste ça. Mais je ne lui en tiens pas rigueur cette fois. Au contraire. Ses réponses, je les inscrit dans un coin de mon cerveau et j'y réfléchi. ça me plait beaucoup comme point de vue. Finalement, nous ne sommes pas si éloignés l'un de l'autre sur ce point, et nous sommes deux personnes de principes. Je n'irais pas jusqu'à dire "humanistes" car pour ma part ça serait largement exagéré, mais il est évident que le sens de nos valeurs morales se rejoignent quelque part.

J'aimerais connaitre le taux de corruption de l’hôpital de cette ville, mais si je lui pose la question comme ça, de but en blanc, je risque la froisser. Et d'ailleurs, elle n'en sait peut-être rien elle-même. Je n'ai pas envie qu'elle se sente attaquée par mes questions. Les précédentes étaient un peu trop orientées, et j'ai eu du bol qu'elle soit si fair-play. Je ne sais pas pourquoi mais l'un des buts premiers de cette entretien, c'est aussi de lui prouver que je ne suis pas un salopard avide de faits divers sordides. ...Pourquoi ai-je à ce point besoin de défendre mon image devant cette femme que je ne connais pas ? Peut-être parce que je n'ai pas aimé ses attaques injustes sur le trottoir lors de notre rencontre. Pourtant ce n'était pas le première fois qu'on me traitait de cette façon, et ça ne serait certainement pas la dernière. Auparavant, je ne m'étais jamais senti aussi atteint dans ma fierté. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi.

"Vous avez toujours vécu au Japon ?"


La question est osée peut-être, surtout parce qu'elle est hors sujet et personnelle. J'ai pris un ton détaché, exprès, pour qu'elle n'aille pas s'imaginer que je la drague. Nos traits occidentaux trahissent que ni elle ni moi ne sommes originaires du Japon. Mais peut-être y est-elle née, y a t-elle grandi ? Je ne sais pas si je dois lui demander d'où elle vient. Elle n'est pas américaine, ça, c'est une certitude. Je la soupçonne d'être Européenne, car elle a une prestance peu commune, une classe que n'ont pas les Nord-Américains en tout cas. Et comme je l'ai remarqué dès le départ, il est vrai que je me demande depuis un moment d'où elle vient, et ce qu'elle est venue faire ici.

"Je sais, ça n'a pas de rapport avec la dame dont je dois relater la mésaventure, mais je suis surpris de trouver quelqu'un comme vous dans un hôpital comme celui-là. Remarquez... Je ne suis pas au Japon depuis des lustres alors il ne m'appartient peut-être pas de porter de jugements, mais j'en connais long sur le sujet. Sur le système médical, tout ça. Et j'ignore si je vous flatte ou si je vous blesse en disant ça mais... vous n'avez absolument pas le profil du toubib corrompu qu'on trouve dans la plupart des grandes villes et des villes de province."

Je ne sais pas vers quoi glisse notre discussion, mais peu m'importe. Cette femme m'intrigue.
Revenir en haut Aller en bas
Jeanne Dubreuil
Admin
Jeanne Dubreuil


Messages : 52
Date d'inscription : 22/07/2013
Age : 43
Profession : Médecin urgentiste

Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé] Empty
MessageSujet: Re: Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé]   Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé] EmptyMer 21 Aoû - 19:23

Mon second verre est vide. Déjà ? C'est fou à quel point l'alcool se boit vite sous l'effet de la colère. Ou même de l'euphorie. Je connais pas vraiment cette sensation mais elle doit être aussi violente que la rage. La même que j'ai en ce moment. Je sais que je fais partie d'un système qui ne vaut pas grand chose. Mais quelle profession fait exception ? Aucune ne me vient en tête, même en y réfléchissant bien. Le fric et le pouvoir sont les maîtres mots ici bas. C'est comme ça. Ce n'est pas pour autant que je vais devenir une marginale, à m’opposer à tout et à tout le monde. D'une, je ne vois pas vraiment à quoi ça servirait et deux, je n'en aurais pas la force. Je me sens bien faible parfois. C'est bien beau d'avoir de grands principes et de belles idées si le reste ne suit pas. Et c'est mon cas. Peu importe. Il me reste toujours le whisky.

Ragaillardi par cette idée, je commande un troisième verre. Je me fiche bien de l'opinion du serveur. Et je crois me ficher de l'opinion de Fred. Evidemment, ça ne me réjouit pas qu'il me voit comme une femme corrompue ou même une alcoolique. Mais que puis-je y faire ? Et même si je pouvais y changer quelque chose, à quoi ça servirait ? Ces considérations m'agacent. Que je puisse y penser, ça m'énerve.

"Vous avez toujours vécu au Japon ?"

Je relève la tête. Je ne m'attendais pas vraiment à ça. Plutôt à ce qu'il me pose d'autre question sur l'hôpital. A ce qu'il me demande de citer des noms. Je visualisais presque le titre de son futur article : "Corruption dans les hôpitaux : témoignage choc !". Alors, que viens faire cette question là dedans ? Ahhhh.... Il pense probablement que je suis peut être étrangère à tout ce système là. Etant donné que je ne ressemble absolument pas à une japonaise, il doit se dire que j'ai vécu comme une privilégiée jusqu'à aujourd'hui.

"Je sais, ça n'a pas de rapport avec la dame dont je dois relater la mésaventure, mais je suis surpris de trouver quelqu'un comme vous dans un hôpital comme celui-là. Remarquez... Je ne suis pas au Japon depuis des lustres alors il ne m'appartient peut-être pas de porter de jugements, mais j'en connais long sur le sujet. Sur le système médical, tout ça. Et j'ignore si je vous flatte ou si je vous blesse en disant ça mais... vous n'avez absolument pas le profil du toubib corrompu qu'on trouve dans la plupart des grandes villes et des villes de province."

Je suis prise d'un fou rire. La situation n'a rien de drôle. La folie me guette ou juste la gueule de bois ? On verra demain je suppose.

 - Vous savez que les médecins qui pratiquent en cabinet se font beaucoup d'argent que nous, qui travaillons en hôpital ? Enfin... Peu importe. Je n'ai le profil de personne je crois.

Avec un sourire, je prends mon verre et le désigne :

 - Quoi que... Des médecins portés sur l'alcool et qui n'ont pas de vie privée, ça doit être plutôt courant finalement. Et sinon, je ne suis arrivée au Japon que très récemment. Pourquoi le Japon ? Parce que j'aime cette culture. On aura beau dire, c'est une des rares où il reste un tant soit peu de respect. Moi qui vient de France... Enfin, je peux vous dire que là bas, c'est autre chose. Et vous, d'où venez-vous ?

Je ne me rappelle déjà plus comment nous en sommes arrivés là. Suis-je en train de lier connaissance avec quelqu'un ? Ou cherche-il à s'attirer ma sympathie en me posant des questions personnelles ? Tout ça dans le but que je lui révèle d'autres choses ? Non. Ce serait stupide. Il a bien du voir qu'il suffit de me servir un verre ou deux pour que ma langue se délie. Un réel intérêt pour ma personne ? Peu courant, mais pourquoi pas ?
Revenir en haut Aller en bas
Fred Wentworth
Admin
Fred Wentworth


Messages : 100
Date d'inscription : 23/07/2013

Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé] Empty
MessageSujet: Re: Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé]   Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé] EmptyJeu 22 Aoû - 11:01

J'observe cette femme et j'essaye de la cerner. C'est une tâche difficile car en effet, elle ne ressemble à personne. Mais ce sourire lorsqu'elle a dit cela, était-il teinté de regrets ou bien n'est-ce que le fruit de mon imagination ? Peut-être est-ce justement dû au fait qu'elle ne ressemble à personne que j'éprouve autant de fascination. D'autre part, je ne connais pas grand monde qui soit aussi lucide sur eux-mêmes. Portée sur l'alcool, je veux bien le croire vu ce que j'ai sous les yeux. Pourtant je ne la juge pas. Je ne peux qu'imaginer que ses journées sont extrêmement difficiles. Sans vie privée... Je n'en sais rien mais je me dis que les flics, les médecins urgentistes... et les journalistes sont trois métiers où il est difficile d'allier vie professionnelle et vie intime. A cause des horaires d'une part, et du fait que ce sont des vocations, donc des métiers qui ont tendance à prendre le pas sur tout le reste. Et puis que ferait une femme de sa trempe dans un endroit pareil, avec un inconnu, à une heure aussi tardive si elle avait une vie en dehors de son boulot ? 

Moi qui vient de France... Enfin, je peux vous dire que là bas, c'est autre chose.

La France... J'avais donc raison. C'est bien une européenne. La France ! Oui ça lui va bien. Cette classe sereine, ce tempérament, cette froideur qui pourrait passer pour de l'arrogance... C'est bien ça. Pourtant cette arrogance n'en ai pas lorsqu'on creuse un peu le personnage. Quoiqu'il en soit, le fait de savoir qu'elle vient de France m'impressionne, m'intimide presque. J'ai de plus en plus de respect pour elle, pour son humilité, sa force de caractère et son coté blasé. Je n'arrive pas à me l'expliquer.

Et vous, d'où venez-vous ?

Je redresse mon regard vers elle, de la même manière qu'elle l'a fait sur moi un peu plus tôt. Cette fois, c'est à mon tour d'être surpris par sa question. Je ne m'attendais pas à ce qu'elle m'en pose, et encore moins d'aussi personnelles. Puis l'instant d'après je regarde mon verre presque vide que je tiens dans la main.

"États-Unis. New York plus précisément."

Je ne ressens aucune fierté à donner cette information pour une fois. Parce que je sais que beaucoup de mes compatriotes ne savent même pas où situer la France sur la carte du monde. J'ai soudain honte de leur égocentrisme, de leur côté immature, bruyant, chez eux partout... Au Japon comme dans de nombreux autres pays du monde, les américains passent pour des arrivistes prétentieux et imposants, sans manières. Alors que les français ont vraiment la cotte auprès des japonais. Je vide le fond de mon verre et le repose sur la table sans le lâcher, ni de la main ni du regard. Pourquoi ce sentiment de honte d'être américain ce soir, alors que j'ai toujours été fier de mes origines ? Peut-être que je suis conscient du décalage culturel entre elle et moi, que la masse des gens de son pays est plus instruite que la masse des gens de mon pays qui se vante pourtant de gouverner le monde. Je ne sais pas vraiment... J'ai l'impression que l'entretien se change en rendez-vous galant et que je dois lui prouver que je ne suis pas qu'un gros con d'américain. Mais pourquoi me donnerais-je cette peine ? Je me masse le visage entre les mains, comme je le fais pour chasser la fatigue, et j'essaye de me reconcentrer sur la raison première qui nous réunit ici. Mais je n'y arrive pas. Je n'ai plus envie de parler boulot. Je soupire et regarde ma montre furtivement. 1h05. Il faudrait peut-être que je la libère. Au lieu de ça, je ne peux m'empêcher de lui demander :

"Mais pourquoi Kumano ? Pourquoi pas Tokyo ?"
Revenir en haut Aller en bas
Jeanne Dubreuil
Admin
Jeanne Dubreuil


Messages : 52
Date d'inscription : 22/07/2013
Age : 43
Profession : Médecin urgentiste

Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé] Empty
MessageSujet: Re: Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé]   Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé] EmptyJeu 22 Aoû - 19:59

"États-Unis. New York plus précisément."

C'est bien la première fois que je rencontre un Américain. Et pourtant, je ne suis pas vraiment surprise. Je devine chez lui une débrouillardise peu commune. Et va savoir pourquoi, mon esprit l’associe au fait qu'il soit originaire de là bas. La grosse pomme, hum ? Tout en buvant une gorgée supplémentaire, je me demande si la ville est aussi bien représentée dans les films et les séries que l'on peut voir. Hostile au possible, exaltante et où chaque jour est une surprise. Où est-ce aussi banal que partout ailleurs ? Probablement. L'herbe est toujours plus verte ailleurs de toute façon.

Dans tout les cas, le seul voyage que j'ai jamais fais, c'est pour venir ici. Alors, qu'en sais-je ? Comme beaucoup de gens, je n'ai qu'une vague idée de ce que peut être le monde. Une idée préconçue probablement. Véhiculée par les médias, les blockbuster qu'on en fait et les livres qui en parle. Qui n'a jamais rêvé de faire le tour du monde, de visiter maintes et maintes villes, de rencontrer de nouvelles personnes, découvrir de nouvelles cultures ? Hum, moi, je dirais. Je n'aime pas voyager. Et si je n'aimais pas autant le Japon, je n'aurais sûrement pas quitté la France. Mais c'était l'occasion de prendre un nouveau départ. Est-ce que les gens qui déménagent d'une ville à une autre, d'un pays à un autre le voit ainsi ? Comme une occasion de tout recommencer à zéro ? Evidemment, vu comme ça, je trouve cela fascinant. Un peu comme se réinventer une vie, une personnalité à chaque fois que l'on arrive quelque part.

"Mais pourquoi Kumano ? Pourquoi pas Tokyo ?"

Je le regarde et souris :

 - Et pourquoi pas Kumano ? Cette ville en vaut bien une autre, n'est-ce pas ? Qu'importe du moment que la ville n'est pas trop grande. Du moins, c'est ce que je me suis dis en déménageant.

Une gorgée de plus et le verre est à moitié vide. Etant pessimiste par nature, je ne le vois jamais à moitié plein. Cette constatation fait fondre mon sourire comme neige au soleil. C'est peut être pour ça que je n'arrive pas à mener la vie de monsieur tout le monde. Je ne peux pas être en couple, du moins, jamais longtemps parce que sitôt fait, je pense à la fin. Aux désastreuses raisons qui me pousseront à quitter l'homme en question ou à ce qu'il me quitte. Pour ça que j'envisage d'avoir des enfants comme dans un rêve très lointain, un fantasme parce que la seule appréhension que j'ai, c'est de ne pas pouvoir leur offrir assez d'amour. Peut être pour ça que la solitude me va si bien.

- A dire vrai... Je n'aime pas particulièrement les gens. Comment l'expliquer alors que je fais un boulot où je suis au contact de personnes en permanence ? Eh bien, justement. A force de trop en voir sur la médiocrité et la mesquinerie des gens, je n'espère plus grand chose de qui que ce soit. Alors, une grande ville comme Tokyo ? Je n'y aurais pas survécu !

Son regard vers sa montre ne m'a pas échappé mais pas un mot ne sort de ma bouche à ce sujet. J'oublie parfois que parler en toute franchise n'ai pas vraiment un atout de séduction. Ni même quelque chose qui fais que l'on s'intéresse à vous. Qu'importe. Je regarde mon verre toujours à moitié vide. Ma fatigue fait que j'ai atteint rapidement le moment où l'on sait qu'un verre de plus sera... Disons que les personnes censées s'arrêtent à ce moment précis. Mais qui a dit que j'étais censée ? Je vide mon verre et fais un signe au serveur. Le verre arrive tellement vite que j'ai l'impression qu'il attendait ça presque autant que moi.

 - Et vous ? Pourquoi Kumano ? Vous auriez pu travailler pour un journal plus prestigieux que celui-ci, non ? Que vient faire un journaliste américain au Japon, c'est ça la vraie question. Vous me cuisinez depuis tout à l'heure. A vous de vous mettre à table, mon cher.

Mon regard se voile mais je tente un sourire faiblard.

 - Echange de bons procédés.
Revenir en haut Aller en bas
Fred Wentworth
Admin
Fred Wentworth


Messages : 100
Date d'inscription : 23/07/2013

Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé] Empty
MessageSujet: Re: Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé]   Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé] EmptyJeu 22 Aoû - 20:35

Elle se prête au jeu de mes questions personnelles. Cela me surprend mais j'apprécie. J'ai l'impression de boire ses paroles et que ses mots vont pouvoir m'aider à percer son mystère. Je sais bien que ça ne suffira pas, et que ce soir je ne rentrerai pas chez moi avec la clé de l'énigme de cette femme, mais j'écoute de toutes mes oreilles.

- A dire vrai... Je n'aime pas particulièrement les gens. Comment l'expliquer alors que je fais un boulot où je suis au contact de personnes en permanence ? Eh bien, justement. A force de trop en voir sur la médiocrité et la mesquinerie des gens, je n'espère plus grand chose de qui que ce soit. Alors, une grande ville comme Tokyo ? Je n'y aurais pas survécu !

Je souris, tout à fait d'accord avec le fait que cette femme qui me semble de plus en plus solitaire par choix, n'aurait pas aimé les transports bondés aux heures de pointe, le bruit, le monde tokyoïte. Moi je m'y plais, car Tokyo me fait penser à ma ville natale en plus propre, plus sécurisée et où les citoyens sont plus respectueux des autres. Tokyo est la version parfaite de ce qu'aurait dû être New York. La Japanese touch ! J'aurais du mal à retourner aux États-Unis maintenant, même après seulement 5 semaines de vie ici.

 - Et vous ? Pourquoi Kumano ? Vous auriez pu travailler pour un journal plus prestigieux que celui-ci, non ? Que vient faire un journaliste américain au Japon, c'est ça la vraie question. Vous me cuisinez depuis tout à l'heure. A vous de vous mettre à table, mon cher. Échange de bons procédés.

Je lâche un rire bref. Elle me cuisine à son tour. ça me surprend et je dois admettre que ça me flatte. Je suscite son intérêt. Dans quel sens ? Je n'en sais rien. Mais je me dis que même si ce n'est toujours pas positif, il vaut mieux inspirer quelque chose de négatif que ne rien inspirer du tout. Quoique... Je n'en sais rien. Je ne sais plus vraiment quoi penser face à ce personnage atypique qui me tient en haleine depuis tout à l'heure.

"Je ne cours pas après le prestige. Au contraire. Chercher la gloire à travers un boulot, c'est être certain de passer à côté de sa vocation. Je suis un passionné, pas un arriviste. Le hasard a voulu qu'un membre de ma famille vive... et trépasse à Osaka. C'est pas très loin par la route."

Je ne m'étale pas trop sur le sujet et continue à expliquer vaguement le pourquoi du comment sans avoir l'air de déballer ma vie en détail.

"J'occupe son appartement, minuscule, mais suffisant pour le moment. Ce qui m'a plus ici, c'est la naissance d'un journal. Faire partie de la première équipe, pour une première édition, c'est un rêve. Une occasion qui ne se rate pas. Alors comme vous, Pourquoi pas Kumano ?... J'avais jamais entendu parler de cette ville avant de venir y bosser."

Je parle, je parle, et je pense à ma mère, qui est sûrement couchée. Une fois de plus, je devrais prendre garde de ne pas la réveiller en rentrant. Je l'ai amené ici dans mes valises pour les obsèques du "tonton" et elle est resté aussi. Elle n'aurait pas supporté de me laisser au Japon et de rentrer vivre seule à New York. Même si l'appartement que nous partageons ici est cinq fois plus petit. Vivre avec elle m'est pénible, surtout à mon âge,  mais je n'ai pas le choix pour le moment. Suivant le fil de mes pensées, je ne me rends pas tout de suite compte du sens que pourrait avoir ma question suivante :

"Vous vivez seule ici ?"

Lorsque je prends conscience de la façon dont elle pourrait l’interpréter, j'ai affreusement honte. Ce n'est pas du tout ce qu'elle croit. Mais les mots ont été prononcés et je ne peux plus rien y faire...
Revenir en haut Aller en bas
Jeanne Dubreuil
Admin
Jeanne Dubreuil


Messages : 52
Date d'inscription : 22/07/2013
Age : 43
Profession : Médecin urgentiste

Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé] Empty
MessageSujet: Re: Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé]   Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé] EmptyDim 25 Aoû - 15:41

"Je ne cours pas après le prestige. Au contraire. Chercher la gloire à travers un boulot, c'est être certain de passer à côté de sa vocation. Je suis un passionné, pas un arriviste. Le hasard a voulu qu'un membre de ma famille vive... et trépasse à Osaka. C'est pas très loin par la route."

Je le comprends quand il parle du prestige. Je crois être bien placée pour comprendre. Beaucoup de gens envient le prestige d'être médecin. Personnellement, je ne vois aucun prestige à cela. On baigne dans la mort, dans la merde et dans la tristesse à longueur de journée. Le salaire est sympa mais est-ce que ça vaut vraiment la chandelle ? Parfois, j'ai des doutes. La seule chose sur laquelle je n'ai aucune doute, c'est le bien être que j'apporte parfois aux gens. Je ne crois pas que soigner soit une vocation. Ou peut être afin de se sentir mieux soi-même. C'est un boulot égoïste qui donne l'impression d'être altruiste quand on y pense. On se plonge dans les problèmes des autres pour mieux oublier les siens.

Je ne tente même pas un "Condoléance". Un mot qui m'énerve plus qu'autre chose. Pas plus qu'un "Désolée pour ce décès". C'est une formulation que j'utilise très peu. Parce que justement, que ce soit l'un ou l'autre, ce n'est qu'une formulation. Je préfère encore un pitoyable "Je m'associe à votre douleur". Parce que parfois, c'est le cas. Quand je tente vainement de sauver quelqu'un et que je sais que je n'y arriverais pas, je m'associe à la douleur de la famille de perdre un proche. Parce que je me sens impliquée. C'est à cause de ce genre de formulation à la con que je ne parle pas de ma mère. Entendre un étranger s'excuser de la mort d'une personne qu'il ne connait pas, ça me fout hors de moi. Je me contente donc de regarder Fred dans les yeux. 

"J'occupe son appartement, minuscule, mais suffisant pour le moment. Ce qui m'a plus ici, c'est la naissance d'un journal. Faire partie de la première équipe, pour une première édition, c'est un rêve. Une occasion qui ne se rate pas. Alors comme vous, Pourquoi pas Kumano ?... J'avais jamais entendu parler de cette ville avant de venir y bosser."

Je trouve que c'est prendre énormément de risque mais je ne le dis pas. Si le journal venait à se casser la gueule, tous ceux qui seraient venus y travailler auraient perdus leur temps. Enfin, moi, je le vois comme ça. Je ne pense pas que j'aurais le courage de m'associer à un hôpital qui viendrait d'ouvrir ses portes. Ma façon de vivre est plutôt tranquille. Je ne prends jamais de risques. Aucun qui ne soit calculé en tout cas.

"Vous vivez seule ici ?"

Je prends mon verre et sourit en buvant une gorgée. Je sais ce qu'il a voulu dire et pourtant, je lâche :

 - C'est une invitation ?

J'ai bien vu que ce n'était pas le sens de la question. C'était tout simplement anodin. Comme on pourrait dire "Vous avez des enfants ?". Mais même si je suis le genre de femme à inviter dans mon lit un homme que je ne connais ni d'Eve ni d'Adam, j'ajoute :

 - Ne prenez pas peur. J'ai compris. Oui, je vis seule. Ni mari, ni enfant. Ni même des animaux. Étonnamment au vu de ma profession, je ne suis pas fichue de prendre soin d'une plante verte. Alors, de quelqu'un d'autre...

Je me masse la nuque, ayant l'impression d'être dans un état second. Mais je préfère ne pas penser à mon appartement qui me parait aussi hostile qu'une mer infestée de requins. Qu'est-ce que je fais là bas ? Je dors, je picole et je me sens seule. Tout en ayant la certitude que si une autre personne y vivait, je ressentirais le besoin d'être seule.

 - Et vous ? Vous vivez avec quelqu'un ?

Bien sûr que cette idée me dérange. Je ne veux toutefois en aucun cas savoir pourquoi donc, je ne pousse pas la réflexion.
Revenir en haut Aller en bas
Fred Wentworth
Admin
Fred Wentworth


Messages : 100
Date d'inscription : 23/07/2013

Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé] Empty
MessageSujet: Re: Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé]   Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé] EmptyMar 27 Aoû - 7:29

Je suis gêné d'avoir posé cette question qui m'a presque échappé, et je le suis encore plus lorsqu'elle sourit en me demandant si c'est une invitation. Je ne sais pas comment rétablir la situation sans la vexer. Si elle croit que je la drague, et que ça la flatte, comment la détromper sans que cela l'offense ? Je me sens embourbé dans un beau pétrin. Mais cela ne dure que quelques secondes, car elle-même me taquine et a bien compris que le but de ma question n'allait pas dans ce sens. Je soupire intérieurement, me sentant libéré d'un poids.

Il n'empêche qu'elle vit seule, et que l'information ne me surprend pas. J'en tire même une certaine satisfaction incompréhensible. Est-ce le fait de m'y être attendu qui me rend "heureux" de l'apprendre ? Ou bien est-ce le fait de savoir qu'il n'y aura pas de mari jaloux qui viendra la chercher ici en me prenant par le col ? ... Je n'en sais rien. Je la croyais asociale et solitaire par choix, mais elle me semble seule par fatalité cette fois. Si seule que j'ai l'impression d'en ressentir une certaine souffrance pour elle. D'où me vient cette empathie ? Je l'ignore.

- Et vous ? Vous vivez avec quelqu'un ?

Sachant que je ne cherchais pas à la draguer, le retour de ma propre question me surprend.  Est-ce qu'elle me drague ? Ou bien est-ce employé de la même manière que je l'ai fait un peu plus tôt, de manière presque anodine ? Y'a pas à dire, la discussion avec cette femme me perturbe pas mal.

"Non." M'entends-je dire dans un mensonge étrange. J'ai bien failli répondre oui, mais au dernier moment, quelque chose m'en a empêché. Comme si je voulais qu'elle n'aille pas s'imaginer que je vis avec une nana. Je n'ai pas non plus qu'elle sache que je vis avec ma mère à presque 27 piges. D'autant que cette situation m’insupporte, mais je n'ai pas le choix pour le moment. Dire que j'avais un beau petit appart à New york, rien que pour moi... Et puis d'un coup, je me met à flipper. Et s'il lui prenait l'envie de venir chez moi, là maintenant ? Elle a pas mal picolé, ses yeux brillent, je me dis que tout pourrait arriver. J'hésite à lui parler de ma situation du coup. Et c'est assez naturellement que je me met "à table" sur le sujet :

"En fait... Je vis provisoirement avec ma mère. On est arrivé ensemble chez son frère, et on squatte l'appartement. ça fait qu'un loyer à payer et pour le moment, ça m'arrange. Mais à deux dans un 28m2, avec une emmerdeuse comme ma mère, il me tarde de mettre les voiles ! J'ai regardé les tarifs des apparts de Kumano. C'est quand même moins cher que ceux d'Osaka. ... C'est vraiment pénible de cohabiter avec elle, surtout après avoir vécu seul pendant presque huit ans."

Je me sens ridicule après cet aveu. Je devrais ne rien en avoir à foutre de ce qu'elle peut penser de moi et de ma situation. Pourtant je suis mal à l'aise. Je n'ai même pas de bagnole pour la raccompagner chez elle au cas où. Je ne peux donc pas lui proposer de la ramener. Je réalise que je vais devoir prendre un train de nuit vers Osaka. Même si l'appartement est dans la banlieue sud d'Osaka, ce qui me réduit le voyage, j'en ai quand même pour deux heures 40 de train. Le temps d'arriver, et encore, si je pars maintenant, je n'y serais pas avant 4 heures du matin. Sachant que je reprends le train à 6h20 pour venir bosser, ça ne vaut peut-être pas le coup que je me presse pour rentrer.

"Les hôtels capsules d'ici sont sans doute moins chers hors saison touristique, j'imagine. " dis-je en me massant le coin des yeux, épuisé que je suis à l'idée de devoir me démerder pour dormir dans le coin. Vivement que je trouve un appartement plus près du centre-ville...
Revenir en haut Aller en bas
Jeanne Dubreuil
Admin
Jeanne Dubreuil


Messages : 52
Date d'inscription : 22/07/2013
Age : 43
Profession : Médecin urgentiste

Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé] Empty
MessageSujet: Re: Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé]   Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé] EmptyMar 27 Aoû - 12:31

"Non."

Cette réponse me semble sèche. Est-ce que je viens de lui rappeler que quelqu'un l'attends à la maison ? Je n'en ai pas la moindre idée. Pas plus s'il est du genre à aimer être seul ou à chercher la compagnie de différentes femmes en permanence. Beaucoup d'hommes sont ainsi. Mais les femmes ne font pas exception. En règle général, les hommes ne recherchent qu'une chose quand ils fréquentent plusieurs femmes : du sexe. Par contre, les femmes qui voient plusieurs hommes vont au delà de ça. Comment l'expliquer ? J'ai souvent vu des femmes aimer les compagnies des hommes juste pour le plaisir de plaire. C'est une façon de se rassurer soi-même je pense. Ce n'est pas mon cas. S'il m'arrive de coucher avec un homme un soir et un autre le lendemain, c'est tout simplement... Parce que je ne souhaite pas m'attacher peut être. Je sais pertinemment comment ça finis en général. Et j'ai horreur des drames.

"En fait... Je vis provisoirement avec ma mère. On est arrivé ensemble chez son frère, et on squatte l'appartement. ça fait qu'un loyer à payer et pour le moment, ça m'arrange. Mais à deux dans un 28m2, avec une emmerdeuse comme ma mère, il me tarde de mettre les voiles ! J'ai regardé les tarifs des apparts de Kumano. C'est quand même moins cher que ceux d'Osaka. ... C'est vraiment pénible de cohabiter avec elle, surtout après avoir vécu seul pendant presque huit ans."

Mes yeux s'agrandissent, légèrement. Pour masquer mon étonnement, je bois une gorgée supplémentaire. Une question me vient à l'esprit. A laquelle je n'avais pas pensé jusque là. Quel âge a-t-il ? Je regarde son visage plus attentivement. Je n'avais pas fais attention mais il me semble bien jeune tout d'un coup. Peut être... Vingt cinq ans ? Horrifiée, je bois une gorgée supplémentaire. C'est en posant mon verre que je vois mes mains. Et que j'ai l'impression de les voir pour la première fois. Avaient-elles l'air aussi vieilles la dernière fois que je les ai contemplé ? Je n'en sais foutrement rien. Je regarde à droite, puis à gauche. Mais qu'est-ce que je fous ici ?

"Les hôtels capsules d'ici sont sans doute moins chers hors saison touristique, j'imagine. "

Je me frotte les yeux puis tente de sourire. Mais j'ai du mal. Je me sens soudainement vieille, seule, inintéressante. Pourquoi sommes-nous là déjà ? Ah oui. Ses questions. Qu'aurait-il fais s'il n'était pas venu ici ? Je tente de l'imaginer en train de danser en compagnie de jeunes et jolies filles. Ma gorge se serre. Je trouve l'idée tout à fait adapté pour un homme de son âge (du moins, l'âge que je lui prête). Je me racle la gorge :

 - Ils sont tout à fait abordables. Vous en avez un juste un peu plus loin. Peut être à 5 minutes du bar, mais pas plus.

Je sais également qu'il y a un autre hôtel un peu plus loin. Mais je ne le mentionne pas. Je vide mon verre et ajuste ma veste sur mes épaules. J'ai envie de courir loin, très loin. Ce n'est pas tant d'avoir pris conscience de son âge à lui mais plutôt de mon âge à moi. Comme souvent, cette idée me répugne. Je lui tends la main avec cordialité.

 - Il commence à se faire tard et je pense que vous avez toutes les questions que vous étiez venu chercher, Fred. Je vais donc vous souhaiter une bonne nuit. Et peut être, à une prochaine fois ?
Revenir en haut Aller en bas
Fred Wentworth
Admin
Fred Wentworth


Messages : 100
Date d'inscription : 23/07/2013

Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé] Empty
MessageSujet: Re: Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé]   Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé] EmptyMar 27 Aoû - 14:17

Je m'aperçois que j'ai peut-être précipité le mouvement vers la fin de la rencontre. Ce n'était pas ma volonté. Cela dit, j'ai l'impression qu'elle le prend moyennement bien car le son de sa voix a changé et sa réponse est sèche, courte, centrée sur le coté pratique. Je m'en veux beaucoup d'être claqué et de ne pas avoir été plus adroit sur ce coup là. A moins que... ça ne soit dû à ce que je lui ai dit au sujet de ma mère ? ...J'me fait des films. Je suis sûre qu'elle n'en a rien à secouer et que même, elle trouve ça naze que je vive avec ma vieille. J'ai envie de rattraper le coup, de revenir à des sujets de conversations pour faire connaissance, mais elle ajoute avant moi :

- Il commence à se faire tard et je pense que vous avez toutes les questions que vous étiez venu chercher, Fred. Je vais donc vous souhaiter une bonne nuit. Et peut être, à une prochaine fois ?

Elle a déjà remis sa veste sur ses épaules. Je ne me rends pas compte que j'ai ma tête de dépité à ce moment là. Je l'observe avec regret se préparer à partir et je ne vois pas comment la freiner, ni même si j'ai le droit d'intervenir contre sa volonté de mettre fin à l'entretien. Après tout je n'ai pas dû être assez convainquant pour montrer que je n'étais pas un morpion de journaliste comme les autres. A ses yeux, je vais rester ce petit lascar de merde qui enquête sur des faits divers horribles, rôdant autour de la mort et de la violence comme un corbac crasseux. Mais je réalise qu'elle me laisse une porte ouverte avec son hypothétique prochaine fois. Je lui souris alors, et lui serre doucement la main quelle me tend.

"Je l'espère vivement en tout cas. Croyez-le ou non, j'ai passé un très bon moment. Merci de m'avoir laissé une chance et de vous être prêtée au jeu de mes questions."

Alors qu'elle s'apprête à payer sa note, je dégaine un billet qui couvrira largement nos consommations à tous les deux.

"Laissez, c'est pour moi."

De toute façon, je n'ai pas de monnaie. J'avais l'intention de casser mon billet. Et même si ses trois whisky élèvent considérablement la note, j'ai réellement envie de l'inviter. Qu'elle me prenne pour un mec galant ou pour un macho, ça la regarde. Je me fais plaisir par ce geste. Elle n'était pas forcée de venir, mais j'ai été touché qu'elle le fasse, et plus encore, que notre discussion nous ai amené à dévoiler quelques côtés intimes de nos vies.

Elle s'éloigne déjà tandis que le serveur me rend enfin la monnaie. J'empoche rapidement les pièces, j'en fais même tomber une que je ne prends pas le temps de ramasser, car je me précipite derrière la femme médecin avant qu'elle ne m'échappe. Dehors, sur le trottoir, je l'appelle :

"Docteur Dubreuil !"

Par chance, elle se tourne vers moi et j'ai le temps de la rejoindre. Je dégaine une carte de visite qui date un peu, mais qui devrait faire l'affaire. Je la retourne et y note mon nouveau numéro de portable, mon numéro japonais, prenant soin de rayer au recto le numéro que j'avais à New york. Une fois fait, je la lui tend :

"Tenez, si jamais vous avez du nouveau sur la vieille dame. Ou ..."

J'hésite un peu, je hausse les épaules le temps de trouver les bons mots :

"...pour autre chose. N'hésitez pas à me joindre, même si vous avez juste besoin de compagnie pour boire un verre après votre journée."

Je lui sourit, espérant qu'elle reste sur une bonne image de moi même si je n'ai pas été brillant ce soir.
Revenir en haut Aller en bas
Jeanne Dubreuil
Admin
Jeanne Dubreuil


Messages : 52
Date d'inscription : 22/07/2013
Age : 43
Profession : Médecin urgentiste

Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé] Empty
MessageSujet: Re: Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé]   Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé] EmptyMar 27 Aoû - 15:13

Je n'aime pas le fait d'aimer le contact de sa main contre la mienne. Pas plus que sa douceur. Finalement, je crois que je préférais encore voir en lui le salopard que je voyais au début. Ça n'apporte rien de bon d'approfondir les liens avec une personne. Jamais puisque ça finis toujours mal. Que ce soit le temps, la distance ou tout simplement la caractère propre à chacun. Tout ceci fait que tôt ou tard, les liens se délitent. 

"Je l'espère vivement en tout cas. Croyez-le ou non, j'ai passé un très bon moment. Merci de m'avoir laissé une chance et de vous être prêtée au jeu de mes questions."

Il l'espère vivement. J'espère que c'est une formule de politesse. Oui, c'en est une. Je pense avoir passé un bon moment aussi. Meilleur que si je m'étais retrouvé seule en tout cas. Ou dans les bras d'un autre. La conversation était bonne. Et même si j'ai peine à l'admettre, que ça me dérange de l'admettre, je crois que mon interlocuteur, en l'occurrence, est quelqu'un de bien. Éméchée, je tente avec difficultés d'extraire quelques billets de mon porte-monnaie, qui croupit au fin fond de mon sac.

"Laissez, c'est pour moi."

En temps normal, j'aurais protesté. Je déteste qu'on me paye quoi que ce soit. Même les cadeaux, je les ai en horreur. Qui a dit qu'il fallait fêter un anniversaire déjà ? Mais je suis fatiguée et ivre, alors, je laisse faire. Il est fort probable qu'on ne se recroise pas dans tout les cas. Disons que mes maigres réponses à ses questions valaient bien quelques verres. Mais j'ai un doute quand même.

Un petit salut de la tête et je prends le chemin de la sortie. J'ai besoin d'air. L'atmosphère du bar me semble étouffante. Je me passe encore une fois la main sur le visage pour tenter de reprendre pieds. Mais je ne crois pas que ça remplace une nuit de sommeil. Enfin dehors, j'inspire un bon coup. L'air frais me pique le visage et j'ai l'impression de revivre quelques instants. Il est tard mais les ruelles sont encore agitées. Je pense au service des urgences qui ne doit pas désemplir. Je meurs d'envie d'y retourner. 

"Docteur Dubreuil !"

Je baisse les yeux puis les relève pour enfin me retourner. Je me fais pitié d'avoir espéré une scène de ce genre. J'en rirais presque si ce n'était pas aussi triste. Putain, Jeanne ! Reprends-toi !

Je fais face avec un sourire. Visage de circonstances.

"Tenez, si jamais vous avez du nouveau sur la vieille dame. Ou ..."

Ah oui. La vieille dame. Je sais qu'il va rajouter quelque chose pour justifier cette quête d'information supplémentaire. J'en suis sûre.

"...pour autre chose. N'hésitez pas à me joindre, même si vous avez juste besoin de compagnie pour boire un verre après votre journée."

Ça ne rate pas. Mais je souris également. Bien entendu, je ne composerais pas ce numéro. Un message pour donner d'autres informations à la rigueur. Ah oui ! La carte. Je tends une main que j'espère ferme pour attraper cette fichue carte qui me fait bien plus plaisir qu'elle ne le devrait.

 - Bien entendu, je vous tiens au courant. Bonne soirée Fred.

Bonne soirée ou bonne nuit, je n'en sais rien. Est-ce qu'à son âge, je rentrais à l'aube, après une soirée de débauche ? Je ne m'en souviens plus. Je m'éloigne rapidement, serrant toujours la carte dans ma main. Arrivée devant mon immeuble, je reste un instant dehors. Je finis par sortir mon portable. Et regarde la carte. Que je finis par fourrer dans mon sac. Finalement, je compose le numéro d'un ami. Un ami. Je ne me sens pas le courage d'être seule ce soir.

[Terminé]
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé





Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé] Empty
MessageSujet: Re: Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé]   Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé] Empty

Revenir en haut Aller en bas
 
Le corbac et la colombe ⎢pv Jeanne⎥ [Terminé]
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» Jeanne Dubreuil
» [Absence] Jeanne
» "La mer est sans route..." [PV: Jeanne Dubreuil]

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Matsue Gakuen :: Kumano :: Bars-
Sauter vers: